Un jour de décembre 2018, j’ai reçu un coup de téléphone d’un numéro inconnu. Au bout du fil, une dame m’expliqua être l’accompagnatrice d’un jeune homme atteint d’une myopathie de Duchenne qui avait envie d’écrire sa biographie, mais qui avait besoin d’aide pour cela. Elle avait vu un article présentant mon activité dans Le Télégramme et me fixa un rendez-vous, quelques semaines plus tard, au foyer pour adultes handicapés où il vivait.
Ma première réaction fut de me dire : « ouhlala, ça va être triste ». Car oui, quand on travaille comme biographe, on reste humain. L’empathie est d’ailleurs sans doute la base de cette profession. Mais trop d’empathie serait aussi sa ruine. Il faut savoir comprendre les sentiments de l’autre, pour les retranscrire correctement, mais faire abstraction de ses propres émotions. De un, pour éviter de les laisser transparaître sur le papier qu’on noircit. De deux, pour éviter de chavirer nous-même quand l’émotion nous envahit trop.
Mais on a beau le savoir, ce n’est pas toujours facile à appliquer. Ce jeune garçon avait exactement mon âge, mais une vie diamétralement opposée à la mienne à cause de son handicap. Je ne le connaissais pas, mais j’imaginais ce qu’il pourrait me confier sur lui : ses frustrations, ses douleurs, sa peine, ou même son pessimisme pour l’avenir. Car comment voir l’avenir autrement qu’en noir quand une maladie nous rend prisonnier d’un fauteuil ?
Voilà quelles furent mes premières pensées en raccrochant mon téléphone.
Et puis je suis allée à ce rendez-vous, et j’ai rencontré Kévin.
J’ai alors réalisé à quel point je m’étais trompée.
J’ai rarement rencontré quelqu’un d’aussi optimiste que ce jeune homme en fauteuil roulant qui m’a accueillie dans son studio ce jour-là, le sourire aux lèvres. J’ai passé plus d’un an à écrire pour lui et ce sourire, il ne l’a jamais quitté, même lorsqu’un tragique épisode a failli mettre fin à ses jours à peine quelques semaines après le début de notre travail.
Le livre que je l’ai aidé à écrire ne parle pas de frustrations, il parle de rêves. De ceux qui se sont réalisés, et de ceux qu’il reste à accomplir. Il parle de douleur parfois, car c’est un livre honnête et sincère, mais il parle aussi de bien-être. Quand il est question de peine, celle-ci se porte généralement sur les autres, car jamais Kévin ne s’apitoie sur son sort. Quand il parle de lui-même, il ne s’agit que de bonheur, d’engagement dans la vie, d’énergie à revendre.
« Être là et heureux », c’est le titre du livre de Kévin Le Hégarat, mais c’est aussi et avant tout la magnifique leçon de vie qu’il livre dans ces pages et qui peut s’adresser à chacun. Valide ou en situation de handicap, concerné ou non par une maladie, on a tous quelque chose à apprendre de ce jeune homme de 30 ans, certes prisonnier de son corps mais libre d’esprit comme personne.
A force de côtoyer Kévin, j’ai découvert que notre âge n’était pas notre seule similarité. Nous avons aussi en commun de partager la certitude que chaque personne a une histoire à raconter, quelle qu’elle soit, et que cette histoire vaut la peine d’être écoutée. En ce qui me concerne, je suis fière d’avoir été la plume de Kévin pour l’aider à faire entendre son histoire et pour permettre au plus grand nombre de la découvrir à son tour.
Pour vous aussi partager cette expérience, n’hésitez pas à contacter Fabrice Le Hégarat par mail à fabricelehegarat@orange.fr Près de 1000 exemplaires du livre ont déjà été écoulés, mais il en reste encore quelques-uns !